L’internaute qui débarque sur mon site et qui a lu le message d’accueil ci-dessus se doute bien que je ne participe pas à la campagne du GESTE. Vous n’allez pas vous trouver ici devant le dilemme : ” prenez un abonnement ou au moins désactivez votre adblocker !” Vous pouvez laisser actif votre adblocker ici, et vous pouvez lire tranquillement et réutiliser si ça vous chante ce que je me donne le mal d’écrire, et même le reproduire, en respectant SVP les principes des licences libres, c’est-à-dire en citant votre source. Ce n’est pas que j’y gagnerai quoique ce soit, à part un brin de vanité, car je ne touche rien pour l’audience de mon site, que je conçois sur le modèle de l’activité bénévole dans les associations que j’ai pratiquée toute ma vie adulte, comme des millions de gens en France.
Non, je ne vais pas m’abonner aux multiples sites que je consulte tous les jours, je n’en ai pas les moyens. Les sites des grands médias d’actualité servent simplement à mon information et à ma culture, mais je peux m’en passer en ne consultant plus que les médias gratuits, publics ou non. Les nombreux sites high-tech que je visite systématiquement servent à ma connaissance, dont je me sers dans mon activité bénévole en EPN et dans mes articles ici, sont moins faciles à remplacer… sauf qu’heureusement, beaucoup n’ont pas cette optique mercantile et ne participent pas à la campagne du GESTE. Ils ont bien raison, même tactiquement : si l’action du GESTE réussissait, ils disparaîtraient les premiers, parce que personne ne peut s’abonner à tout, et parce que personne ne peut supporter indéfiniment l’augmentation exponentielle de la pub et du tracking pour compenser la diminution inéluctable des recettes publicitaires. Et il est évident que ce sont les plus faibles qui passeront à la trappe les premiers, comme toujours.
Pourquoi je ne veux pas payer ? Parce que je paye de ma poche mon hébergeur, mon nom de domaine, mon certificat d’authentification, et un certain nombre d’autres broutilles. Au total, ça coûte bien moins que de passer une semaine à Avoriaz : à chacun ses plaisirs. Mais je ne veux pas entrer dans la spirale : “je vais essayer de gagner de l’argent avec mon site pour amortir mes frais”, comme de nombreux blogeurs, en y ajoutant donc les frais d’abonnement à tous les sites payants. Ce serait renoncer à mon idéal de partage et d’échange désintéressés, au profit du triomphe de la logique de marchandisation monde. Le web n’a pas été conçu comme un espace commercial et ne doit pas le devenir, en y chassant ceux qui ne sont pas dans cette optique.
Pourquoi je ne veux pas renoncer à ma batterie d’adblockers ? (voir mon article Éviter la pub sur le web). Parce que les sites qui essaient de vivre grâce aux seules recettes publicitaires ou qui cherchent simplement à équilibrer leurs comptes nous polluent gravement, et de plus en plus : là aussi, il faudrait une COP 21 pour tenter d’enrayer le dérèglement climatique numérique qui nous conduit droit dans le mur ; car la baisse tendancielle des recettes publicitaires débouche sur une obligation d’en rajouter toujours plus pour survivre, et que l’intolérance des internautes ne peut que s’accroître. Il est d’ailleurs rigolo de constater que conjointement à cette campagne anti-adblockers, les formules et programmes qui proposent de se passer de pub font florès ! Les adblockers se multiplient, les opérateurs s’y mettent, parce que non seulement ça perturbe la connexion, mais ça la ralentit énormément . Même les suites de sécurité en proposent, car la pub véhicule de plus en plus de malwares, et même les FAI songent à taxer la bande passante mobilisée pour cet usage, car il faut dire que d’en occuper près de 90% aujourd’hui ça devient carrément in-soutenable…
Cette campagne ne va pas durer, je prédis son échec total, et comme les mea culpa des ténors de la pub pour annoncer la moralisation de leurs pratiques ne seront évidemment pas suivis d’effet, on peut s’attendre à la réitération périodique de ce type de campagnes, histoire de grappiller quelques abonnements, car il y a toujours des hésitants qui se laissent influencer. Quant à ceux qui par remords auront mis certains sites en liste blanche dans leur adblocker, cela ne durera que le temps de s’apercevoir que le site en question ne fait aucun effort pour améliorer le confort d’utilisation, bien au contraire.
Heureusement, il y a des sites dont les équipes rédactionnelles réfléchissent (NextImact, ou G-NT, qui ne participe pas à cette campagne après avoir participé à la précédente, …), et tant d’autres qui sont résolument orientés vers le non marchand. C’est vrai bien sûr des sites et forums linuxiens, mais pas seulement, dieu merci. Certains se limitent au strict minimum pour réduire leurs frais, je leur rend hommage car tout le monde ne peut pas se permettre de fonctionner comme moi.
Pour votre info, chers défenseurs du tout publicitaire, voici comment je réagis, par rapport à votre campagne : C’est simple, je passe ! D’abord, je consulte mes très nombreux flux RSS, à la recherche des infos qui m’intéressent. Mais maintenant, je ne clique directement sur un article que si le site ne participe pas à cette campagne : si l’info m’intéresse vraiment, je regarde s’il y a d’autres sites plus accueillants qui la propose aussi, et c’est en général le cas, tant les news sont redondantes d’un site à l’autre. Ce n’est qu’en cas d’échec à trouver ailleurs que je vais sur le site, et s’il y a un message anti-adblocker, soit je m’en vais, soit je clique sur le lien qui me permet de lire quand même l’article, histoire de laisser un message clair. Mais objectivement, quelles conséquences ? d’une part, je filtre les sites que je consulte, et je délaisse parfois complètement certains dont j’étais lecteur régulier. Ça plombe leur audience, donc la valeur de leur site pour négocier leurs contrats publicitaires. Bien plus, si je ne regarde plus ces sites, je ne les mentionne plus non plus dans mes articles, d’abord parce que je ne suis pas au courant de ce qu’ils ont pu dire, et ensuite parce que ça me ferait mal de jouer les rabatteurs en incitant mes lecteurs à s’y connecter ! On est dans un jeu perdant-perdant, là, non ?!
Alors je dis ceci au GESTE et à ses partisans : Le meilleur moyen (et je crois bien le seul) de se débarrasser des adblockers, c’est la limitation drastique de la place de la pub sur vos sites. Et faites donc la guerre aux GAFAM, pour leur arracher un partage équitable des recettes publicitaires, plutôt qu’ à l’internaute !